Voilà quelques photographies de la sortie guidée organisée autour des ruines de l’abbaye de Cherlieu, ce samedi 28 juin. Nous avons parlé de botanique, mais aussi d’histoire, de littérature et d’imaginaire en évoquant les légendes et croyances relatives au plantes durant la période médiévale.
C’était un très bon moment. Merci aux participants !
La presse de Vesoul et l’Est Républicain ont chacun consacré un article à la sortie que je proposerai aux alentours de l’abbaye de Cherlieu, le samedi 28 juin.
Merci à celles et ceux qui sont venus écouter mes conférences à la fête médiévale de Saint-Amé ! C’était un plaisir que d’apporter ma pierre à l’édifice de cette belle journée conviviale, en transmettant ma passion et en échangeant avec vous sur l’imaginaire et l’histoire des plantes. Merci à tous les bénévoles pour l’organisation de cet évènement.
Ce samedi, j’animerai trois micro-conférences sur l’imaginaire de la botanique au Moyen Âge, dans le cadre de la fête médiévale de Saint-Amé (88).
Les thèmes abordés, pour une durée de 20 à 30 minutes, seront les suivants :
*Plantes et sorcellerie dans l’imaginaire médiéval
*Sur les pas des moines herboristes : croyances et usages botaniques au Moyen Âge
*L’imaginaire et le symbolisme des arbres au Moyen Âge
Je réitérerai ces interventions pour la fête médiévale de Remiremont, les 16 et 17 août, où je proposerai aussi de de nouvelles thématiques (les arbres qui n’existent pas, les oiseaux dans l’imaginaire…).
Voilà quelques photos de la balade commentée au parc des thermes, qui fut un beau moment de partage de ma passion, et une agréable plongée dans l’imaginaire à travers les plantes !
« Botanique antique : arbres et plantes dans les mythologies et croyances anciennes«
La semaine prochaine, j’animerai une balade commentée à Luxeuil-lès-Bains, consacrée à la place de la botanique dans les mythologies antiques (gréco-romaines, celtiques et germano-scandinaves). Cela se passera dans le parc des thermes, de 16h à 17h30 environ. Inscription auprès de l’Office de Tourisme ! Si vous ne pouvez venir le 18 avril, la même sortie est programmée le 26 septembre.
« Les mythologies antiques européennes, gréco-romaines mais aussi celtiques ou nordiques, abondent d’épisodes faisant la part belle aux plantes et aux arbres. Ceux-ci occupent en effet une place centrale dans l’imaginaire des hommes et y jouent un rôle symbolique essentiel.
En parcourant le parc des thermes de Luxeuil-les-Bains – lieu imprégné d’Histoire -, nous nous plongerons dans cet univers fascinant en observant la flore qui nous entoure. Ainsi, nous partirons à la rencontre des nymphes des arbres (dryades, hamadryades, méliades…) et de Pitys changée en pin pour échapper aux assauts du dieu Pan. Nous nous intéresserons encore à Yggdrasil, arbre-monde de la mythologie nordique, mais aussi aux chênes oraculaires du sanctuaire de Zeus ou aux célèbres pommiers de l’île d’Avallon symbolisant l’Autre Monde des Celtes… Peut-être même nous pencherons nous au-dessus de la source sacrée de Connla, où poussent les neufs noisetiers de la sagesse, ainsi que sur ces ifs sacrés à la longévité surnaturelle… A travers les récits antiques, nous constaterons que le monde végétal cache une dimension fantastique largement insoupçonnée. »
Snowdrop. Nellie Benson, 1901.Snowdrop fairy. Cicely Mary Barker, 1923.
Alors que l’hiver n’est pas tout à fait terminé et tandis que la neige recouvre encore les paysages, voilà que de petites clochettes blanches s’échappent de la poudre au bord des chemins, mettant ainsi fin à l’attente du botaniste, impatient, qui guettait au fil de ses promenades les premières floraisons. Bien sûr, est dépeint ici l’époque des perce-neiges, un terme qui a longtemps été ambigu puisqu’il pouvait désigner à la fois ce que nous appelons plus communément aujourd’hui les nivéoles, et les perce-neiges au sens strict. Les premières sont à présent rangées dans le genre Leucojum, alors que les seconds constituent les Galanthus. Reste que ces espèces présentent une affinité certaine, qui apparait extrêmement nette au niveau symbolique.
Dans l’imaginaire populaire, en effet, les nivéoles et perce-neiges incarnent la fin de l’hiver et le début du printemps, ou plus exactement la dualité qui s’opère entre les deux saisons. Elles sont les fleurs de la transition et du renouveau, de la période froide se diluant dans l’air doux du mois de mars, du passage de la mort à la vie… Mais le symbolisme de ces plantes est loin d’être aussi monolithique, puisqu’on en a également fait des emblèmes de virginité ou encore des présages funéraires. On a même suggéré qu’elles pourraient correspondre à une mystérieuse plante de la mythologie antique dotée de pouvoirs fabuleux, et que consomme Ulysse avant d’entrer chez Circé…
Des fleurs de l’hiver et du printemps
La symbolique primordiale des perce-neiges, au sens large, les associe de façon intime à l’hiver et a fortiori à la neige qui le caractérise. À cet égard, nous pencher sur leur étymologie est riche d’enseignement, et nous offre moult illustrations de ce rapport. Le terme commun de « perce-neige » se passe de commentaire, mais on leur connaît d’autres noms argotiques moins répandus et tout aussi évocateurs. Ainsi, Galanthus nivalis est parfois appelée « Galantine d’hiver », « Clochette d’hiver » ou encore « Galanthe des neiges ». Dans certains cas, les langues régionales reprennent ce concept d’une fleur se frayant un chemin à travers la couche blanche, comme en Normandie où on parle de « Broque neige » ou en Bretagne ou on évoque le « Treuz-erc’h ». Quant aux pays européens, ils sont nombreux à employer aussi un terme qui est une traduction de notre « perce-neige » comme dans le Yorkshire, en Angleterre, où on qualifie la plante de « snowpiercer »1. Parmi les autres appellations anglaises qu’on lui connaît, on peut citer par exemple « winter gallant », « snowdrop » ou encore « little snow bell » qui se rapporte donc à la neige2. Pour ce qui est des nivéoles, elles sont tout simplement comparées à des flocons puisque leur dénomination la plus couramment admise est celle de « snowflake ».
Nivéole de printemps. Massif des Vosges. Pablo Behague, mars 2024.
Les noms scientifiques des perce-neiges et nivéoles n’ont rien à envier à toutes ces notions hivernales. Les premiers sont donc des Galanthus, ce qui peut se traduire par « fleur de lait ». Quant au qualificatif de nivalis, il signifie bien sûr « des neiges ». Ainsi, les perce-neiges sont littéralement des « fleurs de lait des neiges », une expression qui renvoie non seulement à leur blancheur immaculée, mais aussi à leur saison de floraison. Les nivéoles, pour leur part, appartiennent au genre Leucojum, qui est construit avec le mot leuko signifiant « blanche » et le mot ion qui correspondait aux violettes. Autrement dit, les nivéoles seraient des « violettes blanches ».
L’une des plus anciennes mentions du terme de « perce-neige » remonte à un manuscrit daté de 1641, la Guirlande de Julie, qui insiste une nouvelle fois sur la dimension hivernale de la plante. Le poème qui lui est dédié comprend ces vers : Sous un voile d’argent la Terre ensevelie / Me produit malgré sa fraîcheur /La Neige conserve ma vie / Et me donnant son nom me donne sa blancheur3. Par la suite, le terme fut employé à propos de figures reliées soit à la notion d’hiver, soit à la notion de blancheur. Ainsi, le personnage de Blanche-Neige, issu du célèbre conte des frères Grimm, a parfois été traduit en « Snowdrop », ce qui est une désignation anglaise du perce-neige4. Nous aurons l’occasion d’y revenir. Ce nom est aussi celui du chaton de Dinah, la chatte d’Alice dans l’oeuvre de Lewis Caroll. Sans surprise, les passages qui le mentionnent évoquent son pelage blanc, la petite fille se permettant même de l’appeler « Majesté blanche »5. Dès lors, on constate une affiliation nette, tant écologique que symbolique, entre les perce-neiges et l’hiver.
Alice, Dinah et Snowdrop. Sir John Tenniel, 1865.Snowdrop and the seven dwarfs. Anne Anderson, 1928.
Toutefois, si les Galanthus et Leucojum sont bel et bien liés à l’hiver, ils incarnent surtout la fin de l’hiver. En effet, quand les perce-neiges percent la neige, c’est pour signifier que le printemps arrive. Ils sont en quelque sorte les éclaireurs de la belle saison, pointant le bout de leur clochette à travers la couche glacée avant de donner le signal aux autres fleurs vernales que sont, par exemple, les primevères ou violettes. Dès lors, on ne s’étonnera pas que l’étymologie de ces plantes soit aussi liée au printemps, et au retour des beaux jours. Ainsi, l’une des deux nivéoles de nos régions est la Nivéole de printemps, ce que d’ailleurs son nom scientifique indique avec l’emploi du mot vernum. L’une des appellations anglaises du perce-neige est par ailleurs « spring whiteness », c’est-à-dire « blancheur de printemps »6.
De fait, lorsque ces fleurs blanches sont évoquées, c’est très souvent pour souligner le caractère printanier de l’atmosphère. Les perce-neiges et nivéoles sont, pour le lecteur, un indicateur du printemps, un marqueur temporel se situant précisément à la chute de l’hiver. Dans Le Papillon, le conte d’Hans Christian Andersen, l’insecte est en quête d’une fleur à marier. L’auteur nous explique alors qu’ « on était aux premiers jours du printemps », ce qui implique naturellement que « les crocus et les perce-neiges fleurissaient alentours »7. Il est d’ailleurs intéressant de relever que ces deux fleurs sont souvent associées en un cortège initial, comme chez Goethe qui dans le poème Le printemps de l’année prochaine écrit : « Les beaux perce-neiges / Se déploient dans la plaine / Le crocus s’ouvre »8. Théophile Gautier, dans un poème intitulé Premier sourire du printemps, nous parle de Mars préparant l’arrivée des beaux jours : « Tout en composant des solfèges /Qu’aux merles il siffle à mi-voix / Il sème aux prés les perce-neiges / Et les violettes aux bois »9. C’est à nouveau à la violette qu’est associée notre fleur dans Le Prince des Voleurs, attribué à Alexandre Dumas. On y trouve un moine lisant le mot d’une jeune fille à son amant : « Quand l’hiver moins rigoureux permet aux violettes de s’ouvrir /Quand les fleurs sont écloses et que les perce-neige annoncent le printemps / Quand ton coeur appelle les doux regards et les douces paroles /Quand tu souris de joie, penses-tu à moi, mon amour ? »10. Dans Les fleurs de la petite Ida, Andersen – encore lui – associe cette fois notre plante à la jacinthe, autre espèce printanière : « Les jacinthes bleues et les petites perce-neiges sonnaient comme si elles portaient de véritables sonnettes »11. Concluons ce passage en revue printanier du perce-neige en citant deux extraits du Monde de Narnia, célèbre saga fantastique. Dans le premier tome, les enfants voient l’hiver se dissiper brusquement, par enchantement. Et quoi de mieux que l’évocation des perce-neiges pour caractériser un tel phénomène extraordinaire ? L’auteur ne s’y trompe pas, puisqu’il nous dit qu’après avoir traversé un ruisseau, ils tombent nez à nez avec des perce-neiges en train de pousser12…
The Coming of Spring. Edward Atkinson Hornel, 1899.Gathering Snowdrops. Edward Atkinson Hornel, 1906.
Le rapport de ces plantes au retour de la belle saison est donc clair, et il n’est rien d’étonnant à ce qu’elles soient employées dans le cadre de la fête de Martisor, en Roumanie, célébrée au mois de mars. Il s’exprime aussi à travers plusieurs légendes passionnantes, mettant en scène le personnage de la « Fée printemps ». Dans l’une d’elles, on la voit affronter la « Fée hiver », et finalement l’emporter en combat singulier. D’une goutte de sang de la fée défaite naît le perce-neige, symbole de la victoire de la belle saison sur celle de la mort13. Au sein d’une autre histoire, la Fée printemps vient en aide à un petit perce-neige transi de froid par le vent glacial de l’hiver. Elle dégage la neige qui le recouvre et lui redonne la vie à l’aide d’une goutte de sang14.
Plus généralement, les perce-neiges et nivéoles sont reliés à l’idée de commencement et de renouveau, des valeurs évidemment printanières. On retrouve ainsi le perce-neige dans une légende primitive mettant en scène Eve, tout juste chassée du paradis et errant sur la terre désolée. La neige tombait, déposant un linceul sur le monde condamné par la chute de l’Homme. Un ange descendit par conséquent pour consoler la première femme. Il s’empara d’un flocon et souffla dessus, lui ordonnant de bourgeonner et de s’épanouir, ce qui bien sûr donne aussitôt naissance à un perce-neige. Eve sourit alors, comprenant le symbole d’espoir que représente la fleur15. Elle incarne le renouveau au coeur des ténèbres, la lumière au fond du tunnel. Elle est de plus un symbole de consolation, ce que des auteurs contemporains notent également.
Symbole de réminiscence, le perce-neige est aussi dédié à sainte Agnès, elle-même liée au phénix. L’oiseau mythologique comme la fleur sont capables de renaître depuis l’obscurité, de rejaillir depuis les cendres de la mort et de l’hiver. Ils incarnent l’espoir de la vie même au coeur des ténèbres.
Un symbole de virginité et de pureté
Intimement lié à la blancheur et au concept de commencement, ainsi que nous venons de le constater, c’est fort naturellement que le perce-neige est aussi associé à la notion de virginité et de pureté. Une fois encore, l’étymologie est riche d’enseignement à ce sujet, et nous permet déjà de nous faire une idée claire de cette facette de la plante. En Angleterre, Galanthus nivalis est parfois appelé Mary’s tapers, c’est-à-dire « cierges de Marie »16. Cela fait bien sûr référence à la Vierge bien connue, mère de Jésus, ce que l’usage d’un autre nom, celui de Virgin flower, semble appuyer17. À vrai dire, les perce-neiges sont même explicitement dédiés à la Vierge Marie, et une légende chrétienne veut que leur floraison ait lieu précisément le 2 février, soit le jour de la Chandeleur durant lequel la mère de Jésus l’a emmené au Temple pour effectuer une offrande. Cette anecdote justifie d’ailleurs un autre nom populaire de la plante, celui de Fair Maid of February18. Richard Folkard souligne également que « le perce-neige était autrefois considéré comme sacré pour les vierges », ce qui selon lui « peut expliquer pourquoi on le trouve si généralement dans les vergers rattachés aux couvents et aux anciens bâtiments monastiques »19. Ainsi, les nonnes auraient abondamment semé les perce-neiges autour de leurs retraites, comme des symboles de leur chasteté. Thomas Tickell, un poète anglais du XVIIIe siècle, va dans ce sens puisqu’il parle d’une « fleur qui sourit pour la première fois dans ce doux jardin, sacrée aux vierges, et appelée la Perce-neige »20.
Ce rapport à la virginité de la plante n’est pas propre au christianisme, ce qui le rend d’autant plus intéressant. En effet, le perce-neige est intimement lié aux jeunes filles dans de nombreuses traditions et de nombreux contes. Lors des fêtes de célébration du printemps qui se tiennent au début du mois de mars, Matronalia chez les Romains ou Martisor chez les Roumains, ce sont souvent aux demoiselles qu’on offre la fleur. Par ailleurs, le perce-neige est lié à plusieurs figures féminines de virginité, dont l’une des plus fameuses n’est autre que Perséphone. Rappelons que dans le mythe le plus célèbre qui la concerne, la jeune fille est enlevée par Hadès alors qu’elle cueille des fleurs au sein d’une prairie, et amenée jusqu’aux enfers. Si le perce-neige n’est jamais cité par les sources antiques, Ovide évoque pour sa part « la violette ou le lis »21. Or, nous avons vu à quel point notre perce-neige était souvent rattaché à la violette. Quoi qu’il en soit, les traditions postérieures ont clairement associé Perséphone au perce-neige. Est-ce vraiment surprenant, quand on sait que cette fleur est un symbole de printemps et de renouveau ? La fille de Déméter, en effet, incarne précisément cette idée de cycle végétatif annuel. Un accord est conclu, sous l’égide de Zeus, qui lui permet de passer la moitié de l’année à l’air libre, mais l’oblige à demeurer le reste du temps auprès de son époux, dans le monde souterrain. Dès lors, Perséphone sort de terre telles les fleurs du printemps, émergeant au début du mois de mars comme le font les perce-neiges ou les nivéoles. Ce lien entre la déesse et la plante se retrouve d’ailleurs dans une chanson contemporaine, composée par le rappeur Dooz-Kawa et intitulée Perce neige : « Yeah, cette pluie qui pleure dans l’automne qui perd ses faunes / C’est Démeter qui se meurt de l’exil de Perséphone / En somme, nous sommes des fleurs perce-neige, ultime arme de la détresse / Des gouttes qui coulent comme les larmes de la déesse »22.
Hadès enlevant Perséphone. Peinture murale. Aigai. IVe s. av. J.-C.
Le mythe de Perséphone n’est pas sans points communs avec le conte de Blanche-Neige, dont nous avons vu que le nom avait parfois été traduit en « Snowdrop »23. Comme la déesse grecque, Blanche-Neige est une jeune fille soumise aux assauts des forces infernales, en l’occurrence une belle-mère sorcière. Comme elle, elle subit symboliquement une « éclipse » hivernale, en sombrant dans un long sommeil qui ne sera rompu que par le baiser du prince, allégorie du printemps faisant renaître la végétation… et en premier lieu le perce-neige. Ainsi, Perséphone et Blanche-Neige peuvent être perçues comme des personnifications de la belle saison, mais aussi de la plante qui nous intéresse, se frayant un chemin depuis les profondeurs pour amener la floraison au monde.
Le perce-neige annonce le temps des folâtreries champêtres, la joyeuse époque des amours juvéniles auxquels s’adonnent les jeunes gens. De cela, une chanson de 1860 en atteste, avec une poésie bien typique du siècle : « Veillez sur vos roses fillettes /Le Perce-neige va briller ! (…) / Vous dont la blanche mousseline / Trahissait les jolis contours /Dans l’hiver, sous la levantine / Vous fermez la porte aux amours / Du bonheur, douces messagères /Laissez la pudeur sommeiller / Reprenez vos robes légères /Le Perce-neige va briller »24. On voit donc notre plante clairement inféodée aux demoiselles, et cette association symbolique explique peut-être les propriétés médicales qu’on lui attribue dans de vieux manuscrits. En effet, Dioscoride, le célèbre médecin de l’Antiquité, estime que les fleurs séchées du perce-neige « sont bonnes pour baigner l’inflammation autour de l’utérus et expulser le flux menstruel ». La plante présente ainsi un caractère féminin très net et se trouve reliée à de figures de pureté dont la Vierge Marie est le cas le plus emblématique.
Couverture de « Snowdrop story book ». Hilda Boswell, 1952.
De l’oubli funéraire au moly d’Homère
Pourtant, à contre-courant de l’idée que nous nous sommes jusqu’à présent faite sur la plante, les nivéoles et perce-neiges ont aussi été interprétées comme de symboles funéraires. Est-ce à cause de leur couleur blanche et de leur rapport avec la neige, évoquant le linceul des chambres mortuaires ? Toujours est-il que plusieurs croyances ou traditions nous conduisent à ce registre du deuil et du décès.
Dans certaines régions d’Angleterre, par exemple, on pense qu’il ne faut pas amener le premier perce-neige de l’année à l’intérieur des maisons. Celui-ci porterait malheur, et serait capable d’attirer la faucheuse au sein du foyer. Cette croyance viendrait de la ressemblance de la fleur avec un cadavre dans son linceul, mais le symbolisme de l’hiver y joue sans doute un rôle également25. La même idée implique qu’il ne faut surtout pas offrir de perce-neige à quelqu’un, car cela signifierait qu’on veut la voir morte. Une légende anglaise évoque par ailleurs une femme découvrant son amant gravement blessé, et décidant d’apposer sur ses plaies des flocons de neige. Ceux-ci se transforment alors en perce-neiges en même temps que l’homme succombe26.
The Temple of Flora. Robert John Thornton, 1807.
Mais le rapport de notre plante à la mort s’éclaire aussi par ses propriétés. Les perce-neiges et les nivéoles, en effet, sont des plantes toxiques, et même mortelles à dose relativement faible. Au XIXe siècle, François-Joseph Cazin expliquait que cette toxicité fut découverte de façon fortuite, quand une dame vendit des « oignons » de perce-neiges à la place de ceux de ciboulettes27… Cela aurait entrainé de violents vomissements chez les consommateurs, ce qui est un symptôme classique d’un empoisonnement au bulbe de la plante.
Cependant, et comme c’est souvent le cas, une herbe vénéneuse peut aussi, dosée avec minutie, devenir un médicament précieux. Il en est ainsi des perce-neiges et des nivéoles. Les premières contiennent de la galantamine, qui est utilisée pour lutter contre le déclin cognitif dans le cadre de la maladie d’Alzheimer, ou de tout autre trouble touchant à la mémoire28. Il n’est donc aucun hasard à ce que le perce-neige ait été choisi comme emblème et nom d’une association caritative venant en aide aux personnes concernées par la maladie mentale ; association fondée par Lino Ventura et son épouse Odette en 1966. De plus, la galantamine serait un antidote capable de contrecarrer les effets de certaines drogues, et notamment l’atropine contenue dans grand nombre de solanacées usées en sorcellerie. Ce dernier point nous conduit à un mystère historique passionnant : celui d’une plante citée par Homère dans l’Odyssée et qu’il nomme le moly.
Si Homère est le premier à mentionner cette plante, les autres auteurs antiques venant après lui le font également, essayant d’y voir des espèces qui leur sont familières comme Théophraste29, Dioscoride30, Pline l’Ancien31 ou le Pseudo-Apulée32. Or, plusieurs arguments plaident en faveur de notre perce-neige, au sens large du terme. En effet, il est question du moly au moment où Ulysse et ses compagnons, au cours de leur voyage vers Ithaque, visitent l’île de Circé. L’épisode est bien connu : l’équipage envoyé en reconnaissance dans l’antre de la magicienne est transformé en une horde de cochons, à l’exception d’Eurylochos qui rapporte la nouvelle à Ulysse. Celui-ci se met alors en quête de les délivrer et tandis qu’il s’avance, il croise le dieu Hermès, qui lui offre ses conseils. C’est à ce moment-là qu’est évoqué le moly : « Tiens, prends, avant d’aller dans la demeure de Circé, cette bonne herbe, qui éloignera de ta tête le jour funeste. Je te dirai toutes les ruses maléfiques de Circé. Elle te préparera une mixture ; elle jettera une drogue dans ta coupe ; mais, même ainsi, elle ne pourra t’ensorceler ; car la bonne herbe, que je vais te donner, en empêchera l’effet »33. En suivant les conseils du dieu messager, Ulysse parvient effectivement à déjouer le poison et à sauver ses compagnons.
Codex Medicina Antiqua. Page montrant « Herba immolum », le « moly » d’Homère présumé. XIIIe s.
La signification de cet épisode est beaucoup plus complexe qu’il n’y parait, et à sa lecture on comprend aisément pourquoi des chercheurs ont suggéré que le moly puisse correspondre à notre perce-neige34. Tout d’abord, Circé est une ensorceleuse, une sorcière, et il ne fait aucun doute que la mixture qu’elle prépare inclut des ingrédients toxiques, capables de faire perdre la tête aux marins. La fameuse transformation en cochon, en effet, présente toutes les caractéristiques d’un délire psychotique. Les individus se mettent à halluciner et à agir comme des bêtes, délaissant leur humanité sous l’effet de la drogue. Dès lors, on est en droit de suggérer que la potion concoctée par Circé accueillait quelques solanacées bien connues, telles la belladone, la morelle, la mandragore ou encore le redoutable datura. Or, n’avons-nous pas constaté que la galantamine du perce-neige était capable de lutter contre les symptômes de l’atropine ? L’herbe cueillie par Hermès et offerte à Ulysse pourrait alors être notre plante, à même de contrer la magie de Circé.
Mais les arguments en faveur d’un moly perce-neige ne s’arrêtent pas là puisque les compagnons d’Ulysse, en pénétrant dans la demeure maudite et en se transformant en cochons, vivent un épisode de désordre mental évident. Allégoriquement, cette métamorphose correspond donc à une amnésie, un oubli de sa propre personne et de son humanité… Autant de signes de folie que le perce-neige est à même d’entraver par son action sur la mémoire et le cerveau. Ulysse garde la tête sur les épaules quand ses hommes la perdent, mais c’est par le moly qu’il guérit la démence et l’oubli de ses camarades. Il est d’ailleurs intéressant de relever que l’espèce est citée dans des jeux vidéo relatifs à l’univers d’Harry Potter35. Or, d’après le site Pottermore, le moly serait mentionné dans l’ouvrage Mille herbes et champignons magiques de la sorcière Phyllida Augirolle, où il est indiqué qu’elle combat les enchantements.
Le « moly » en cours de botanique à Poudlard. « Harry Potter : secret à Poudlard », 2018.
Notons pour conclure que les descriptions antiques de la plante, bien qu’absentes chez Homère, appuient l’hypothèse du perce-neige ou de la nivéole. Ovide, dans ses Métamorphoses, parle ainsi d’une « fleur blanche, qui possède une racine noire » qu’Ulysse emploie comme talisman en pénétrant la demeure de Circé36. Il faut dire que symboliquement, en apparaissant le premier après l’obscurité hivernale, le perce-neige est un marqueur de souvenir ; il nous rappelle l’existence du printemps et des beaux jours, comme le moly rappelle aux membres de l’équipage métamorphosé qui ils sont réellement.
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Ainsi, nivéoles et perce-neiges recèlent bien des mystères. Ils symbolisent la blancheur hivernale, et par conséquent se rattachent aux notions de virginité et de pureté. De Marie aux fées du printemps, de Perséphone à Blanche-Neige, ces plantes aux floraisons précoces sont aussi associées au retour de la lumière au coeur des ténèbres ; du regain d’espoir après les longues nuits hivernales. En quelque sorte, le perce-neige « chasse l’hiver froid », comme l’invoque la chanson traditionnelle bien connue. Drive the Cold Winter Away remonte au moins au XVIIe siècle37, soit à une époque où l’hiver était vécu dans la chair de chacun, et constituait une épreuve difficilement appréhendable à l’aune de notre confort moderne. Apercevoir la clochette du perce-neige devait donner du baume au coeur du paysan, dont les réserves venaient peut-être à manquer.
Mais le perce-neige symbolise aussi le souvenir. Il nous rappelle l’existence des beaux jours et des printemps en fêtes au moment où le tunnel de l’hiver parait interminable. En outre, il est peut-être le fameux moly évoqué par les sources antiques, dont Homère, qui contrecarre la magie de l’oubli perpétrée par Circée. À l’heure où j’achève cet article, les perce-neiges sont sortis sur le bord des chemins et dans les jardins que nappe encore le gel du matin. Éclaireurs du cortège printanier, ils seront bientôt suivis des violettes, primevères et autres jacinthes… puis retomberont dans leur sommeil annuel, sans pour autant qu’on les oublie.
Pablo Behague, « Sous le feuillage des âges ». Février 2025.
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(1) Richard Mabey, 1996, Flora Britannica. (2) Charles M. Skinner, 1911, Myths and Legends of Flowers, Trees, Fruits and Plants : In All Ages and in All Climes. (3) Auteurs incertains, 1641, Guirlande de Julie. (4) Jacob Grimm, Wilhelm Grimm, et Arthur Rackham, 1909, The Fairy Tales of the Brothers Grimm. (5) Lewis Carroll, 1865, Alice’s Adventures in Wonderland. (6) Skinner, 1911, Myths and Legends of Flowers, Trees, Fruits and Plants : In All Ages and in All Climes., op. cit. (7) Hans Christian Andersen, 1861, Le Papillon. (8) Johann Wolfgang von Goethe, 1816, Next Year’s Spring. (9) Théophile Gautier, 1884, Premier sourire du printemps. (10) Alexandre Dumas, 1872, Le Prince des voleurs. (11) Hans Christian Andersen, 1835, Les fleurs de la petite Ida. (12) Clive Staples Lewis, 1950, The Chronicles of Narnia – The Lion, the Witch and the Wardrobe. (13) 2020, Le perce-neige : mythe, légende et remède, murmuresdeplantes.fr. (14) 2010, Légendes du perce-neige, beatricea.unblog.fr. (15) Richard Folkard, 1884, Plant Lore, Legends and Lyrics.; Skinner, 1911, Myths and Legends of Flowers, Trees, Fruits and Plants : In All Ages and in All Climes., op. cit. (16) Mabey, 1996, Flora Britannica, op. cit. (17) Skinner, 1911, Myths and Legends of Flowers, Trees, Fruits and Plants : In All Ages and in All Climes., op. cit. (18) Folkard, 1884, Plant Lore, Legends and Lyrics., op. cit. (19) Folkard, 1884, op. cit. (20) Thomas Tickell, 1722, Kensington Garden. (21) Ovide, Ier s., Métamorphoses. (22) Dooz Kawa, 2014, Perce Neige. (23) Grimm, Grimm, et Rackham, 1909, The Fairy Tales of the Brothers Grimm, op. cit. (24) Jean-François Dumas, 2014, Le perce-neige (Galanthus nivalis) et espèces proches. (25) Folkard, 1884, Plant Lore, Legends and Lyrics., op. cit. (26) Skinner, 1911, Myths and Legends of Flowers, Trees, Fruits and Plants : In All Ages and in All Climes., op. cit. (27) François-Joseph Cazin et Henri Cazin, 1868, Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes. (28) Jacqueline S. Birks, 2006, Cholinesterase inhibitors for Alzheimer’s disease. (29) Théophraste, IVe-IIIe s. av. J.-C., Historia plantarum – Recherche sur les plantes. (30) Pedanius Dioscoride, Ier s., De Materia Medica. (31) Pline l’Ancien, vers 77, Histoire naturelle – Livre XXI. (32) Pseudo-Apulée, IVe s., Herbarius. (33) Homère, VIIIe s. av. J.-C., L’Odyssée. (34) Andreas Plaitakis et Roger C. Duvoisin, 1983, Homer’s moly identified as Galanthus nivalis L.: physiologic antidote to stramonium poisoning. (35) Jam City, 2018, Harry Potter : Secret à Poudlard – jeu. (36) Ovide, Ier s., Métamorphoses, op. cit. (37) Auteur inconnu, 1625, Drive the Cold Winter Away – chanson.
Ce mardi 11 janvier, j’animerai un atelier pour les 6-12 ans, afin de leur apprendre à reconnaître quleques oiseaux parmi les plus communs, ainsi que leurs chants…
Nous verrons aussi que les rouges-gorges, chouettes, buses, chardonnerets, bouvreuils et autres habitants à plumes de nos campagnes sont dotés d’un imaginaire fascinant, riche de légendes et de contes… 🪶🧙🏻
Ce mardi 17 décembre, à la Médiathèque de Senones (88), j’animerai un atelier d’écriture sur l’imaginaire et le symbolisme des arbres et arbustes de nos régions.
Après une présentation de mes recherches sur le sujet – qui se traduiront bientôt en livres -, nous aborderons le cas de quelques espèces emblématiques, puis réaliserons des jeux de plume afin de mettre tout cela en pratique…
Je reviendrai à la Médiathèque le 9 février, cette fois pour initier les enfants à la reconnaissance des oiseaux et de leurs différents chants.
Maria Orłowska-Gabryś (1925-1988). Illustation d’un livre pour enfant.
Les fougères sont des plantes particulières de nos écosystèmes. Alors que la plupart des végétaux qui nous entourent garantissent leur reproduction par l’intermédiaire de fleurs et de fruits, celles-ci adoptent une stratégie différente, basée sur des spores, aujourd’hui bien connue, mais qui demeura pendant longtemps énigmatique. Cette spécificité, cela va de soi, a été traduite scientifiquement par le rangement des fougères au sein d’un ensemble taxonomique original, à savoir la division des Ptéridophytes, accueillant aussi les prêles et les lycopodes. Mais si nous comprenons désormais leur fonctionnement, les fougères ont pendant longtemps suscité l’incompréhension. Comment pouvaient-elles se reproduire sans fleur et sans graine ? Au Moyen Âge, par exemple, on ne comprenait pas pourquoi il était possible de trouver de jeunes pieds de fougères, mais jamais la moindre graine nulle part. Une seule solution pouvait expliquer ce phénomène : que les graines de la fougère soient invisibles. Une déduction en amenant une autre, puisque les graines de fougères étaient invisibles, il devait aussi exister des fleurs invisibles… qui seraient donc capables – selon une logique tout à fait typique de l’époque – de rendre invisible celui qui la trouverait ou la consommerait1 ! Il n’en fallait pas plus pour que l’imaginaire populaire se déploie, et fasse de la mythique fleur de fougère une sorte de Graal végétal, une merveille rarissime dotée de propriétés extraordinaires. Le fait est que la légende de la fleur de fougère est extrêmement répandue à travers l’Europe, présentant des similarités assez étonnantes.
La fleur de fougère à travers l’Europe
En fait, la fleur de fougère n’est pas perpétuellement invisible, car elle serait alors tout bonnement impossible à trouver. En revanche, elle n’apparaît qu’à un moment précis du calendrier, à une heure bien définie se situant au milieu de la nuit, très brièvement, et en un endroit particulièrement reculé et inaccessible des forêts. L’un des principaux points communs, dans les légendes relatives à la fleur de fougère, est en effet son apparition datée. Dans l’immense majorité des cas, la fameuse nuit de la floraison est celle de la Saint-Jean, ou alors immédiatement avant ou après ; en tout cas en rapport avec le solstice d’été. La croyance est particulièrement répandue dans les pays du Nord et de l’Est, de tradition slave, où la fleur de fougère est réputée se développer lors d’une nuit allant du 21 au 24 juin. Il en est ainsi en Pologne, en Estonie, en Lituanie, en Finlande ou encore en Lettonie. Elle est donc mise en rapport avec les célébrations du cycle solaire, d’origines préchrétiennes, mais s’étant fondues avec les fêtes de la Saint-Jean. En Finlande, on parle par exemple de la fête de « juhannus », ou encore de celle de « Jani » en Lettonie ou de « Rasos » en Lituanie. Notons qu’en Pologne, la fleur de fougère pourrait non seulement être observable au solstice d’été, mais aussi au moment du solstice d’hiver2. Quoi qu’il en soit, on comprend qu’elle surgit à des dates emblématiques et fortement liées à l’influence de notre astre lumineux.
Si la croyance est particulièrement vivante dans les pays de l’Est et du Nord, elle existe aussi en Europe occidentale. En Angleterre, on raconte ainsi que la veille de la Saint-Jean (une fois encore), au coeur de la nuit, la fougère produisait une unique fleur et qu’alors les villageois étendaient un drap dessous pour en récolter les graines. Personne ne devint jamais invisible, mais on continuait d’accorder du crédit à cette légende, au point de perpétrer des rituels en forêt au cours de la nuit fatidique, jusqu’à ce que l’église ne vienne mettre fin à ces pratiques de toute évidence païennes. F.E. Corne évoque pourtant le témoignage d’un gentleman nommé Mr. Heath qui, en 1779, affirmait encore avoir participé à plusieurs reprises à des cérémonies de récolte de graines de fougère lors des nuits de la Saint-Jean. Et l’homme d’ajouter qu’il y avait cependant des déceptions, « car les fées volaient souvent les graines »3. Ainsi, on voit que la fleur de fougère n’est pas un fantasme propre aux pays de l’Est. D’ailleurs, qu’en est-il de la tradition française ? Là encore, on retrouve localement des anecdotes ou légendes qui font référence au concept. Par exemple, Paul Sébillot nous indique des traditions de ce type, encore une fois lié à la Saint-Jean, en Basse-Normandie, en Touraine ou encore en Bretagne4. Par ailleurs, il atteste de plusieurs chansons ou anecdotes évoquant la récolte de l’hypothétique « graine de fougère ».
La floraison a systématiquement lieu au coeur de la nuit, jamais en journée. Dans bien des cas, elle survient même à une heure précise et symbolique, et sur un laps de temps extrêmement bref. Ainsi, en Suède, elle fleurit à minuit et fane aussitôt5. Il en est de même dans des traditions polonaises, où on dit qu’elle apparaît à minuit en même temps que se fait entendre un son tantôt décrit comme un craquement, un choc ou un bruit de tonnerre6. En Basse-Normandie également, elle fleurit à minuit sonnant, et il faut récolter sa semence avant qu’elle ne tombe par terre pour pouvoir bénéficier de ses propriétés7. Une seconde après, la fleur n’est déjà plus discernable8. C’est à minuit aussi qu’on peut la trouver en Touraine, ou du moins c’est à ce moment-là qu’elle produit ses graines, en même temps que les trèfles développent des feuilles supplémentaires pour avoir quatre ou cinq feuilles9. Par ailleurs, Paul Sébillot retranscrit une chanson de berger de la Renaissance fort intéressante : « En un sachet la graine de fougère / Qu’en plein minuit nous cueillîmes d’antan / Denis et moi, la veille de Saint-Jean »10.
Fleur de fougère sur une monnaie commémorative de Biélorussie.Antoni Piotrowski. « Kwiat paproci ». Vers 1900.
Nous savons donc maintenant où et quand chercher la fleur de fougère, en fonction des traditions locales et des coutumes… En revanche, on ne sait toujours pas à quoi elle ressemble. Qu’en est-il ? La question est éminemment complexe, puisque sa rareté en fait, par nature, un phénomène jamais observé par la plupart des mortels. Les croyances en la fleur de fougère attribuent à celle-ci une multitude de caractéristiques, parfois contradictoires, mais qui font généralement d’elle un spectacle absolument somptueux. Ainsi, les traditions slaves l’imaginent rouge, dorée ou violette11. En Angleterre, les rumeurs évoquent plutôt la naissance d’une fleur d’un bleu pâle, qui se transforme rapidement en une graine dorée12. Passer en revue les représentations picturales de la fleur de fougère nous convaincra de sa grande hétérogénéité : elle peut parfois revêtir cinq pétales, parfois beaucoup plus ; elle peut être imposante ou au contraire minuscule ; elle peut se trouver au sommet d’une longue tige, mais aussi être dissimulée sous les feuilles, au niveau du sol ; elle peut être palpable ou ressembler à un organe fantôme… Pourtant, l’observateur attentif remarquera un point commun entre toutes ces images : la mystérieuse inflorescence est toujours dépeinte dans un halo doré, auréolée d’une lueur éclatante qui parait jaillir de ses pétales. Cela découle-t-il de son rapport singulier au soleil ? Rappelons en effet qu’elle n’est visible, dans la plupart des légendes, qu’au moment du solstice d’été. Bien sûr, ce détail souligne aussi son caractère surnaturel. La fleur de fougère parait jaillie d’un autre monde, tombée du paradis, telle une relique sacrée protégée par la grâce.
Un tel trésor ne pouvait que stimuler l’imaginaire, et il n’est donc rien d’étonnant à ce que la fleur de fougère soit mobilisée dans des oeuvres de fiction. Outre les légendes populaires, on retrouve ainsi des livres la mentionnant, notamment dans les pays de l’Est où elle occupe une place importante. La légende est évoquée dans un livre de la Finlandaise Aino Kallas, traitant des folklores anciens : La fiancée du loup13. Elle est aussi citée par Andrus Kivirähk. Dans L’Homme qui savait la langue des serpents, l’auteur Estonien la tourne en dérision, la présentant comme une croyance naïve14. En Pologne, la fleur de fougère est parfois l’objet de poèmes, comme celui d’Adam Asnyk (Kwiat paproci) dont certains vers peuvent être traduits ainsi : « Une étrange fleur de fougère fleurit dans les forêts / Pour un instant dans l’ombre mystérieuse / Le monde entier est doré d’une lumière magique / Mais vous ne pouvez la toucher que dans vos rêves »15. Henri Pourrat, écrivain français, a collecté oralement la légende en Auvergne et l’a retranscrite dans Contes et légendes du Livradois sorti en 198916. Enfin, il existe un court-métrage d’animation consacré à la fleur de fougère, réalisé par Ladislas et Irène Starewitch en 194917. Il met en scène un petit garçon nommé Jeannot, qui décide de partir à la recherche du trésor dans la nuit de la Saint-Jean…
Capture d’écran du film d’animation « Fleur de fougère » de Ladislas et Irène Starewitch. 1949.
Les pouvoirs de la fleur de fougère
Ainsi que nous avons déjà pu l’effleurer, la fleur de fougère est l’objet de convoitise, et ce car on la croit dotée de propriétés absolument extraordinaires. La plus répandue d’entre elles est d’apporter à son possesseur une richesse inouïe. C’est là la version la plus matérielle du mythe, qui voit le découvreur vivre dans l’abondance jusqu’à la fin de sa vie, entouré de joyaux et de coffres débordant d’or. Par exemple, la fleur de fougère apporte fortune dans les traditions estoniennes, mais aussi chez les Polonais18 ou en France. En Haute-Bretagne, on dit que les graines de fougère recueillies la nuit de la Saint-Jean doivent être jetées sur un terrain pour révéler l’endroit où se cachent les trésors19. Dans bien des légendes, cependant, et comme nous le verrons bientôt en détail, la fortune gagnée est une malédiction, punissant en quelque sorte la cupidité du chercheur.
Quand ce n’est pas spécifiquement la richesse qu’apporte notre mythique fleur, c’est plus généralement la chance. Ce motif est aussi extrêmement fréquent, depuis la Russie jusqu’en France. En Pologne, on a parfois cru que la fleur de fougère était l’Ophioglosse (Ophioglossum vulgatum). On disait alors qu’elle apportait la réussite amoureuse. Dans nos contrées, les fougères récoltées lors de la nuit de la Saint-Jean, et a fortiori les hypothétiques fleurs de ces fougères, étaient censées faire gagner à tous les jeux20.
« bubug » sur Deviant Art. « Jack and the fern flower ».
Çà et là, la fleur de fougère apporte au découvreur des pouvoirs magiques ; des capacités extraordinaires qui tendent à brouiller la frontière entre le conte et la réalité. Ainsi qu’évoqué en introduction, puisque la fleur de fougère est invisible la plupart du temps, on a parfois présumé qu’elle pouvait elle-même conférer l’invisibilité21. C’est là une manière de penser assez typique du Moyen Âge, et qui n’est pas sans évoquer la théorie des signatures qui veut qu’une plante ressemblant à un organe ait une action sur celui-ci (l’hépatique, dont la forme des feuilles rappelait le foie, devait ainsi pouvoir le soigner). En tout cas, on attribuait cette propriété à la fleur de fougère en Pologne, mais aussi à sa graine en Basse-Normandie. En Pologne, on disait aussi que la fleur de fougère pouvait déverrouiller n’importe quelle serrure, mais aussi apporter la clairvoyance à son possesseur. Cela fait écho à une autre rumeur normande, qui voulait que la graine permette de connaître les secrets du présent et de l’avenir22. On a aussi suggéré qu’elle donnait la capacité de se transporter d’un lieu à l’autre aussi vite que le vent, ou encore de parler aux animaux23.
En tant qu’organe sexuel, la fleur de fougère est aussi une pourvoyeuse de fertilité, et elle a été employée métaphoriquement pour évoquer l’amour charnel. Ce point nous amène aux implications symboliques de ce trésor mystérieux de la nature qui, bien plus qu’une simple croyance populaire, cache entre ses pétales des considérations profondes sur la nature humaine et ses aléas.
Portée symbolique de la fleur de fougère
Tout d’abord, et comme nous venons de le signaler, la fleur de fougère est en certains endroits un symbole d’amour. La nuit de la Saint-Jean, placée sous l’auspice du soleil, a toujours été marquée par l’idée de rencontre et de séduction, ainsi que par des rituels de fertilité qui concernent la terre, certes, mais aussi les hommes. Dans les pays baltes, les jeunes couples partaient s’amuser dans les bois et on disait alors qu’ils allaient « chercher la fleur de fougère »24. C’était en réalité une fleur bien moins hypothétique qui était cueillie : celle de l’amour. D’ailleurs, on peut suggérer que la véritable graine enchantée, issue de cette fameuse fleur de fougère, est allégoriquement celle qui allait, environ neuf mois plus tard, donner naissance à un nouvel être. Cette nuit était en effet magique et, croyait-on, propice à la procréation. Dès lors, la fleur de fougère représente en quelque sorte le mystère de la vie ; la magie primordiale de l’existence et du cosmos tout entier. Symbole de fertilité, on ne sera d’ailleurs pas étonné qu’elle ait donné son nom à une ONG lettone visant à promouvoir l’éducation à la sexualité (Papardes zieds).
Cette conception de l’inflorescence mystérieuse s’observe encore chez les peuples slaves, où la Saint-Jean correspond là-bas à la « nuit de Kupala »25. On y voit les jeunes gens s’enfoncer dans les bois au cours de la nuit, à la recherche de l’hypothétique « fleur de fougère », les filles portant dans les cheveux des couronnes végétales. Si un garçon ressort des fourrés en brandissant l’une d’elles, cela signifie que le couple s’est engagé et qu’un mariage aura bientôt lieu. Là encore, la fleur de fougère prend un tour métaphorique ; allusion à l’union amoureuse et probablement à des rapports charnels dans la nature. Cette tradition est en accord avec la fête en question, puisque Kupala est une ancestrale déesse des herbes et de la magie, mais aussi du sexe. Par ailleurs, les linguistes estiment que son étymologie pourrait avoir un rapport, quoique lointain, avec le mot latin « cupido », signifiant « désir » et relatif au dieu bien connu, Cupidon, qui dispense dans les coeurs ses flèches amoureuses.
Mais la fleur de fougère est aussi et surtout un symbole de l’inatteignable, tel le mythique Graal si ardemment cherché et jamais découvert. Elle est l’objet d’une quête romantique et passionnée, où le chemin et les épreuves paraissent compter autant, sinon plus, que le trésor qui les motive. Car, de fait, la fleur de fougère est réputée impossible à cueillir, et même à observer. En Pologne, on dit qu’elle se niche en un endroit reculé et sauvage, à mille lieues de toute civilisation puisqu’on ne doit pas pouvoir y entendre le moindre aboiement de chien26. De plus, elle est difficilement accessible du simple fait de sa rareté. Bien souvent, les légendes sous-entendent en effet que la fleur de fougère est unique… Ainsi, le chercheur devrait se trouver précisément à l’endroit où elle se développe, et précisément au bon moment en raison du caractère éphémère de sa floraison ; en Suède, on dit parfois qu’elle n’a lieu qu’à minuit précise27. Il faut ainsi un concours de circonstances pour le moins fou pour mettre la main sur ce trésor végétal. Pire encore, certaines traditions estiment que quiconque le cherche n’a aucune chance de le trouver, et ce pour la bonne raison qu’il ne peut être découvert que de façon accidentelle… ou alors en rêve comme dans la poésie d’Adam Asnyk28.
C. D. Friedrich. Utterwalder Grund. 1825Witold Pruszowski. Fern flower. 1875
Comme si tous ces paramètres insolubles ne suffisaient pas, la fleur de fougère est bien souvent protégée par des procédés surnaturels. En Pologne, elle pousse au coeur des uroczyska, des espaces naturels dotés d’une puissance magique et généralement liés à de vieux cultes païens29. Elle est aussi protégée de divers enchantements dans les légendes suédoises, par exemple. Dans bien des cas, ce sont explicitement les forces du diable qui la gardent, idée que l’on retrouve dans les campagnes françaises. Les traditions polonaises la placent souvent en des lieux où rôdent les sorcières, mais aussi des créatures typiques du folklore local comme le bies ou le czart (des démons)30. Cela explique les vénérations chrétiennes qui, dit-on souvent, doivent être pratiquées par quiconque souhaite approcher de la fleur de fougère. Des prières doivent être effectuées, évidemment, mais il faut aussi que l’aventurier dispose d’artefacts bénis, comme un chapelet ou une nappe blanche prise sur l’autel de l’église. Néanmoins, les rituels effectués sont parfois beaucoup plus baroques et étranges. On peut ainsi, croit-on, approcher la fleur mythique en se munissant d’armoises et en se mettant nu31. Pour l’emmener avec soi, on dit aussi qu’il faut absolument proscrire tout regard en arrière, sous peine de subir un grand malheur ; à l’instar de Loth et de son épouse dans l’Ancien Testament, à qui les anges interdisent formellement de se retourner quand Sodome recevra un déluge de feu32.
Dès lors, on voit bien que la fleur de fougère est une sorte de Graal végétal ; un archétype de la préciosité inaccessible, et par conséquent un fantasme passionnel, mystérieux et insondable. Mais à ce titre, elle incarne aussi la part sombre du rêve, comme un symbole de l’obsession vaine conduisant l’Homme à la chute. Tel le soleil brûlant les ailes d’Icare voulant monter trop haut, l’inflorescence sacrée rabaisse l’orgueil de ceux qui se croient assez malins pour la cueillir sans crainte. Pour illustrer cette idée, les traditions précisent souvent que la fleur de fougère permet certes d’obtenir la fortune, mais que celle-ci ne peut pas être partagée sous peine de s’évaporer brusquement. Les découvreurs voient alors leur famille et leurs amis s’enfoncer dans la pauvreté, tandis qu’eux atteignent une existence prospère… mais ô combien malheureuse. Ils subissent la jalousie, et s’aperçoivent surtout que, pour paraphraser la célèbre phrase du carnet de Christopher McCandless dans Into the wild, « le bonheur n’est réel que s’il est partagé »33. Dans certaines versions, l’obsession futile de la richesse matérielle conduit à un dénouement plus tragique encore. On y voit le protagoniste s’engager dans sa quête en reniant ses amis et sa famille, coupant tout lien avec son humanité pour enfin trouver la fleur de fougère au fond des bois. Il croit alors vivre dans la gloire, flambe dans la richesse, puis prend soudain conscience de ce qui compte réellement à ses yeux et rentre enfin chez lui. Mais bien sûr, comme il fallait s’y attendre, il n’y a plus personne pour l’accueillir dans son village natal. En revanche, il lit les noms de ceux qu’il aime sur les croix du cimetière34… Là encore, la fleur de fougère se pare donc en artefact maudit, conduisant l’homme avide à la perte et à la souffrance.
Support de réflexions morales, les légendes de la fleur de fougère permettent souvent de relativiser l’importance de la richesse terrestre, en la mettant en parallèle avec des valeurs comme l’amitié, l’amour, la piété ou la spiritualité. Dans un conte oral polonais, il est ainsi question d’un jeune berger égarant une vache qu’il aime beaucoup dans les bois. Il part évidemment à sa recherche et, au coeur de la nuit, tellement obnubilé par son animal, ne s’aperçoit pas de l’étrange fleur sur laquelle il trébuche, dont un pétale se coince dans sa chaussure. De somptueuses visions envahissent alors son esprit, lui révélant des trésors cachés et divers chemins menant à des coffres remplis d’or. Bien sûr, il distingue aussi sa vache bien-aimée, et sait brusquement par où se diriger pour la retrouver. Il rentre alors avec elle et, épuisé, va se coucher en se promettant de partir chercher toutes les richesses de ses rêves le lendemain matin… Mais à ce moment-là, il enlève sa chaussure et fait donc tomber le pétale de fougère, qui fane dans la nuit et perd tous ses pouvoirs, lui faisant oublier complètement au petit matin ce qui lui paraissait si limpide la veille. Le petit berger, cependant, n’en fait pas une affaire, et c’est là toute la morale de l’histoire : il a retrouvé sa vache, et c’est tout ce qui compte à ses yeux35. Personnage sage, il sait que la fortune ne l’aurait pas rendu plus heureux. Ainsi, à travers ces quelques exemples, on voit qu’il y a bien plus derrière la fleur de fougère qu’un simple trésor imaginaire ; elle est un élément riche en symboles, et entre autres une incarnation de la quête vaine et futile, de l’obsession inconsidérée et prétentieuse qui éloigne de l’apaisement.
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La fleur de fougère est donc un motif absolument fascinant, et ce à plusieurs égards. Elle témoigne de l’obsession des hommes pour l’inconnu et le mystère, et plus généralement pour tout ce qui échappe à la matérialité affligeante du quotidien. Elle montre aussi la place majeure que joue la nature dans les traditions populaires, et donc dans l’imaginaire et les rêves des gens. De plus, l’existence de fleurs de fougères aussi bien dans les croyances slaves que dans celles de l’Angleterre nous montre une fois de plus les incroyables transferts culturels qui s’opèrent entre les peuples, pourtant à une époque encore dépourvue des moyens de communication modernes. Enfin, le cas de la fleur de fougère révèle aussi la grande diversité d’interprétations que peut engendrer un simple mythe. La relique végétale peut être une métaphore amoureuse ou sexuelle, mais également symboliser l’inaccessible et punir la vanité des hommes. Elle dévoile aussi le fantasme divin qui nous anime, nous amenant à rêver de pouvoirs magiques, de téléportation, d’invisibilité ou de communication animale…
Pour autant, la fleur de fougère ne serait-elle que pure fabrication de l’esprit ? Ne trouverait-elle aucun fondement dans les observations quotidiennes des habitants d’autrefois ? Nous avons déjà eu l’occasion d’esquisser une réponse à cette question, en montrant que le mythe découlait d’un constat simple : que les fougères ne produisaient pas de fleur visible, contrairement aux végétaux « classiques ». Néanmoins, certains ptéridophytes déploient parfois des organes atypiques, ou montrent des formes qui auraient pu être assimilées à des inflorescences. Ainsi, l’inspiration de la fleur de fougère ne serait-elle pas les « épis » de l’ophioglosse (Ophioglossum vulgatum) ? Cette plante pourrait correspondre par sa rareté. Ne pourrait-il pas aussi s’agir des frondes fertiles de la matteuccie (Matteuccia struthiopteris), ou fougère allemande, formant des touffes dressées que l’imagination peut vite assimiler à une étrange fleur ? Et que dire encore de celles de l’osmonde royale (Osmunda regalis), jaillissant au bout des grandes tiges, plus impressionnantes encore ? En l’occurrence, l’espèce est tout à fait caractéristique des forêts humides, et pourrait donc se trouver à son aise dans ces vallons reculés que décrivent les légendes…
Bien sûr, toutes ces questions demeureront à jamais sans réponse, et c’est sans aucun doute mieux comme cela. La fleur de fougère sera toujours un mystère, un fantasme, une croyance merveilleuse dans l’esprit des hommes pour leur permettre d’échapper à la matérialité du monde. Qui sait ? Peut-être se déploie-t-elle effectivement au coeur d’une forêt touffue et inexplorée, quelque part sur notre Terre, à l’abri de tout regard, pendant les quelques instants bénis d’une nuit estivale. Il est en tout cas certain qu’elle fleurit en nous, dans nos têtes et dans nos coeurs, comme le font du reste tous nos rêves les plus fous.
Pablo Behague, « Sous le feuillage des âges ». Décembre 2024.
Une fronde fertile d’Ophiolosse. Une fronde fertile d’Osmonde royale.
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1 F.E. Corne, 1924, Ferns : Facts and Fancies about Them : II. 2 Lamus Dworski, 2016, Polish legends: the Fern Flower. 3 Corne, 1924, Ferns : Facts and Fancies about Them : II, op. cit. 4 Paul Sébillot, 1904, Croyances, mythes et légendes des pays de France. 5 Gustaf Ericsson, 1877, Folklivet i Åkers och Rekarne härader. 6 Dworski, 2016, Polish legends: the Fern Flower, op. cit. 7 Sébillot, 1904, Croyances, mythes et légendes des pays de France, op. cit. 8 Louis Dubois, 1980, Recherches sur la Normandie. 9 Sébillot, 1904, Croyances, mythes et légendes des pays de France, op. cit. 10 Sébillot, 1904, op. cit. 11 Brendan Noble, 2021, The Fern Flower – Magical Flower of the Slavic Solstice – Slavic Mythology Saturday. 12 Corne, 1924, Ferns : Facts and Fancies about Them : II, op. cit. 13 Aino Kallas, 1928, Sudenmorsian (La Fiancée du loup). 14 Andrus Kivirähk, 2007, Mees, kes teadis ussisõnu (L’Homme qui savait la langue des serpents). 15 Adam Asnyk, 1880, Kwiat paproci (Fleur de fougère). 16 Henri Pourrat, 1989, Contes et récits du Livradois. 17 Ladislas Starewitch et Irène Starewitch, 1949, Fleur de fougère. 18 Dworski, 2016, Polish legends: the Fern Flower, op. cit. 19 Sébillot, 1904, Croyances, mythes et légendes des pays de France, op. cit. 20 Sébillot, 1904, op. cit. 21 Corne, 1924, Ferns : Facts and Fancies about Them : II, op. cit. 22 Sébillot, 1904, Croyances, mythes et légendes des pays de France, op. cit. 23 23 juin 2011, « Paparčio žiedo legenda – būdas kiekvienam pasijusti herojumi », Delfi. 24 Adam Rang, 22 juin 2022, « Fire, flower crowns and fern blossoms: Midsummer night in Estonia explained », Estonian world. 25 Ullrich R. Kleinhempel, 2022, Seeking the Fern Flower on Ivan Kupala (St. John’s Night). 26 Dworski, 2016, Polish legends: the Fern Flower, op. cit. 27 Ericsson, 1877, Folklivet i Åkers och Rekarne härader, op. cit. 28 Asnyk, 1880, Kwiat paproci (Fleur de fougère), op. cit. 29 Dworski, 2016, Polish legends: the Fern Flower, op. cit. 30 Dworski, 2016, op. cit. 31 Dworski, 2016, op. cit. 32 Auteur inconnu, VIIIe-IIe s. av. J.-C., Bible – Ancien Testament. 33 Jon Krakauer, 1996, Into the Wild. 34 Dworski, 2016, Polish legends: the Fern Flower, op. cit. 35 Dworski, 2016, op. cit.